C'est le constat que Jean-Marie Bataille égrène au fil des pages de son essai, À quoi servent les colonies de vacances ? Pour des séjours citoyens, écologiques et solidaires (Le social en fabrique, 2018). 
Il y explique pourquoi la vente des bâtiments d'accueil collectif des mineurs et la lente marchandisation du secteur empêchent peu à peu les enfants des classes moyennes et populaires de partir en colo.
Par M.V. Publié le 15 août 2024. Temps de lecture : 4 minutes
À quoi servent les colonies de vacances ? À plein de choses, sûrement. 
De la réglementation des accueils collectifs de mineurs, à l'augmentation des prix, en passant par la pluche des carottes, Jean-Marie Bataille rappelle que les colos, c'est économique, et politique. Dans son livre, l'enseignant-chercheur en animation socioculturelle à la Sorbonne et ancien directeur de colos, revisite l'histoire des séjours heureux. Et de ses espaces de rencontre où des générations entières d'enfants ont grandi, et fait société. Avec cette idée : les colos, qui ont transmis une vision émancipatrice et la volonté d'accompagner l'enfant vers l'âge citoyen, sont en train de disparaître. 
Soutenues jusqu'aux années 70 par des politiques publiques - sanitaires, puis éducatives - les colos ont progressivement glissé vers une offre de séjours touristiques et thématiques, où les enfants - et surtout les parents - sont relégués au rang de consommateurs. Et l'auteur de livrer ce constat fataliste : « Est-ce la fin des colos pour autant ? D'une certaine forme de colos ? Assurément. » 
Moins de moyens, moins de bâtiments, 
plus de contraintes

De 3 à 4 millions dans les années 60, ils ne sont plus qu'un million d'enfants à partir en colo chaque été. Selon Jean-Marie Bataille, l'État s'est désengagé dans la construction et l'entretien des bâtiments pouvant accueillir des mineurs. Car les coûts augmentent, et que les normes - sanitaires, incendie, mise en accessibilité - s'empilent. La nouvelle doctrine affichée dès les années 70 : « Les bâtiments doivent être rentables. » L'auteur déplore alors : « Le modèle de la colo d'après-guerre, organisé autour d'un bâtiment, est en train de disparaître [...] Plus de la moitié des bâtiments ont été fermés depuis 1995. » 
Par conséquent, les associations interagissent de moins en moins avec les acteurs du territoire (La Maison de Courcelles est un contre-modèle du genre). Moins implantées localement, et du fait du brassage quasi-régulier des directeurs et animateurs, les parents se montrent davantage défiants envers le personnel accompagnant, d'après un sondage réalisé par l'IFOP pour la Jeunesse au plein air en avril 2016. Des parents ont aussi découvert, abasourdis, que les agressions sexuelles en colos sont courantes. Le #MeTooAnimation, lancée en 2022 par une animatrice, Anissa Maille, a jeté une lumière crue sur ces violences.
 Devenues au fil des années des vacances-tourisme ou des séjours thématiques, les colos ont exclu de fait certains publics : classes populaires et moyennes, mais aussi les filles. Parce que les activités-prestation (surf, accrobranche, football, escalade, ski...)  rythment les séjours, le coût moyen du séjour a explosé : 500 à 1500 € par semaine en moyenne, jusqu'à 2500 € pour un séjour à l'étranger. Dans le même temps, les Caisses d'allocation familiale (CAF) ont réduit leurs aides directes, et la SNCF a amputé les aides au départ dans les années 1990. 

Concurrence entre associations et sociétés privées
Au moment où il écrit son livre, Jean-Marie Bataille s'inquiète des effets potentiellement destructeurs de la directive européenne Travel. Transposée dans le droit français en 2017, elle devait imposer à l'ensemble des associations organisant des accueils collectifs de mineurs (ACM) d'épargner 10% de leur chiffre d'affaires dans un fonds de garantie. Et se retrouver ainsi logées à la même enseigne que les sociétés privées organisatrices de séjours touristiques. La mesure semblait économiquement insoutenable pour les associations à but non-lucratif. Sous la pression, le ministre de l'Éducation de l'époque, Jean-Michel Blanquer, rétropédale finalement : les assos dérogeront à la directive, et au code du tourisme. Un pis-aller pour les colos. 
Depuis, le Covid a mis le secteur à rude épreuve. Certaines associations n'ont pas pu organiser de séjours l'été 2020, et ont dû puiser dans leurs trésoreries. Quant aux parents, qui subissent l'inflation depuis 2022, envoyer son enfant en colo revient extrêmement cher.
 Alors, vers la fin des colos ? Assurément non... D'irréductibles séjours heureux résistent encore et toujours, et n'ont pas dit leur dernier mot.   

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